Saint-Geniez, Place des "Matchottes"
Saint-Geniez, la fontaine
"Cette année je dois passer le Certificat d'Etudes Primaires. A l'école de St-Geniez nous ne serons que deux candidats, Jean Chaix le fils de l'institutrice et moi. L'épreuve la plus redoutable c'est la dictée car 5 fautes = zéro et zéro c'est éliminatoire, il faut absolument éviter la bulle.
Chaque matin nous avons une heure de calculs : problèmes de robinets ou de trains qui se croisent etc. cela ne semble pas une difficulté majeure mais par contre le vrai grand problème c'est le sport. La seule activité sportive dite de « plein air » inscrite à notre emploi du temps est une après-midi de promenade de la classe tous niveaux confondus le mardi. Notre institutrice Madame Chaix n'étant pas, il faut bien le reconnaître, taillée pour les performances sportives. Pour palier à cette lacune, Madame Chaix a demandé à l'instituteur d'Authon, le village voisin, de nous entraîner deux après-midi par semaine pendant le mois qui précède le certif.
Nous voici donc sous la direction de René Richaud. C'est un jeune homme de 25 ans environ qui nous terrorise dès les premières paroles ; en effet il nous annonce que l'épreuve reine du certif est le saut en hauteur et il faut absolument franchir les 1mètre 10. C'est l'Himalaya !
Heureusement le haut niveau pédagogique de René fait merveille, il a planté deux piquets sur l'aire dite de Gervais et tendu entre les deux un élastique à seulement 90 cm du sol pour ne pas nous effrayer et nous avons droit à une démonstration de saut en « ciseaux » avec commentaire sur la décomposition des mouvements.
Un peu d'élan, arrivée devant l'élastique par le coté droit, on lève la jambe droite aussi haut que possible et la jambe gauche fournit la poussée nécessaire pour nous propulser au-dessus de l'élastique, les deux jambes redescendent l'une après l'autre telles une grande paire de ciseaux qui se referment de l'autre coté de l'élastique.
Apres deux ou trois essais c'est gagné, on peut monter l'obstacle à 1 mètre puis à 1m10, l'Himalaya est franchi nous sommes prêts. Ces quelques séances d'entraînement qui nous étaient destinées en priorité à Jean Chaix et moi-même doivent ensuite profiter à tous et c'est ainsi qu'après notre entraînement c'est au tour des filles. Avec Jean, nous nous sommes couchés dans l'herbe à 2 mètres de l'obstacle pour admirer le ciseau de la Jeannine, la Lulu, et l'Odette. Finalement il faut bien admettre que le sport, ce n'est pas si désagréable.
Mais revenons au certif.
La date de l'examen est fixée au 8 juin 1945 et cela doit se passer à la Motte du Caire qui est situé à 20 Km au Nord de Sisteron qui est donc un passage obligé pour s'y rendre au départ de St-Geniez. Les moyens de locomotion sont inexistants entre Sisteron et St-Geniez, il se passe parfois plusieurs jours sans qu'un seul véhicule traverse le village. Heureusement en cette période de l'année un camion monte tous les matins et redescend 4 ou 5 heures plus tard chargé de bois. Le chauffeur est d'accord pour nous emmener en ville et c'est ainsi que nous quittons St-Geniez dans l'après-midi du 7 juin 1945. Ma mère et Madame Chaix l'institutrice montent dans la cabine à côté du chauffeur et Jean et moi nous nous tenons debout derrière, entre la cabine et quelques tonnes de billes de bois, prêtes à nous écraser en cas de choc violent ; mais nous n'avons pas vu cela.
Arrivés à Sisteron un autocar nous emmène à La Motte. Pendant le trajet, j'échappe de justesse à un terrible accident. Assis côté fenêtre ma mère est à ma droite, je regarde le paysage qui défile et subitement j'ai envie de voir dehors la route ; je monte sur le siège et engage ma tête dans l'étroite ouverture d'aération du haut de la vitre à la seconde même ou l'autocar s'engage sur le pont suspendu à voie unique très étroite. Le bus frôle la pile du pont, ma tête aussi, je me ramollis sur le siège absolument tétanisé sans voix, convaincu d'avoir frôlé la décapitation, je suis incapable de dire un seul mot jusqu'à l'arrivé. Personne n'a vu la scène et je ne m'en suis jamais vanté. Pour la première fois je relate ce fait 60 ans plus tard.
A la Motte du Caire nous sommes logés à l'hôtel « Chez Ayasse » c'est demain le certif.
Nous y sommes, un par table et la terrible dictée commence. A l'extérieur derrière les fenêtres j'aperçois les instits qui, papier et crayons en main, font aussi la dictée. Un mot inconnu nous surprend tous. Je regarde vers les fenêtres cherchant une aide pourtant impossible, je devine d'après leur mimique qu'ils (les instits) sont aussi surpris, je réfléchis encore 5 secondes et j'écris sagaces c'était juste.
Autre moment d'inquiétude en « leçon de choses ». La question est : « qu'est ce qu'un assolement ? ». Je n'en ai pas la moindre idée, heureusement j'entends un candidat qui souffle à un autre qui n'en savait pas plus que moi, c'est le remplacement d'une culture par une autre. Je me souviens alors avoir entendu dire qu'à la campagne lorsqu'une culture a de profondes racines il faut la remplacer l'année suivante par une culture ayant de très petites racines. C'est donc ce que j'ai expliqué. Toutes les autres épreuves sont sans difficulté y compris le sport.
En fin de journée, on nous réunit dans une salle pour la proclamation des résultats. J'écoute la lente litanie des noms tous inconnus. J'entends tout à coup Jean Chaix, ça y est, il l'a. Le mien n'arrive toujours pas et le tout dernier de la liste (par ordre alphabétique) c'est le mien. Georges Terlon... j'entends longtemps la dernière syllabe résonner comme le bourdon de Notre Dame.
J'ai le Certif ! "
Lorsque j'étais petit, les jeunes du village se réunissaient le 1er janvier au matin pour faire le tour de tous les habitants et leur présenter les voeux. On parlait patois, on disait:
"- Bounjou bounan,
boun estreno sus ma man"
Ce qui signifiait: Bonjour, bonne année, bonne étrenne sur ma main.
Et chacun nous accordait gentiment quelques pièces trouées de 25 centimes de francs.
Cette photo dédicacée est un magnifique souvenir de cette soirée de 1958 au Grand Casino d'Hyères, où j'ai eu l'immense plaisir d'être reçu dans la loge de Line Renaud pour cette dédicace.
J'étais à cette époque chargé de la conduite du projecteur pendant tout son tour de chant. Elle était emballée par cette expérience dans une petite salle d'environ 800 personnes. Elle a charmé le public hyérois pendant 1h30 ininterrompue. C'était l'époque où elle chantait "Ma cabane au Canada".
En 2015, je suis retourné sur les lieux qui ont servi de décor à mon roman La Tofana.
Je suis toujours émerveillé par la beauté du paysage, particulièrement coloré en automne.
J'imagine la Ju, Gilou et Gaston, les enfants Thomas et Solange: il me semble les entendre sortir de la bastide d'Eygrières qui est derrière moi.
Vous voulez la voir?